lundi 3 mai 2010



J’ai regardé le reportage d’envoyé spécial sur facebook et, bien qu’il soit plutôt polémique, voir à la limite de la caricature - 2 petites miss blondes de 14 ans tirent des clopes et font la compétition du maximum de contacts, jouent les grandes et nous montrent, toutes fières, combien il est facile de trouver de la drogue sur facebook - je l’ai trouvé dans l’ensemble plutôt intéressant.

Le reportage commence avec quelques utilisateurs qui répondent à la question « Facebook ça sert à quoi ? ».

Les réponses tournent autour des possibilités de rester en contact avec ses amis et de voir tout ce qu’ils sont en train de faire, de partager ses photos, ses impressions, et de s’inviter à des événements. Le dernier commentaire est plutôt sympa : “on est un peu comme dans un village en fait, tout se rapproche facilement, et c’est un truc fabuleux, quoi”.

On nous présente ensuite comment s’inscrire sur facebook, en relevant que facebook veut tout savoir (orientation sexuelle, opinion politique, religion, activités, intérêts, etc.).

Le reportage soulève alors un 1er premier problème, à savoir le fait que internet, par sa mémoire, ne donne pas de « droit à l’oubli », comme le dénonce la « commission nationale informatique et liberté (CNIL) », avec le risque de voir refaire surface d’anciennes informations.

A ce moment-là, une définition de facebook est proposée : « facebook est un trou de serrure virtuel  par lequel les uns espionnent les autres et vice et versa », suite à laquelle est cité l’exemple d’un banquier aux USA, qui avait informé son employeur qu’il devait s’absenter pour un problème familial. Or, une photo de lui en train de fêter Halloween au même moment a été vue par un collègue qui l’a dénoncé, ce qui a provoqué son licenciement.

Serge Tisseron, auteur du livre « virtuel, mon amour » conseille alors d’écrire au-dessus de son ordinateur « tout ce que j’inscris ici tombe dans le domaine public » car, selon lui, sur facebook il n’y a aucune confidentialité.

Le reportage s’attaque ensuite au problème des données stockées par facebook, par l’exemple de Pierre qui a pu récupérer, après 6 mois de procédures, tout ce qu’il avait mis sur facebook. Toutes ces données sont contenues dans un fichier, comprenant des photos, des messages et des communications avec des amis (167 pages de messages). Une « vraie fiche de police », un « archivage d’informations personnelles », relève le reportage. De l’avis de Pierre, c’est inquiétant, car ça donne une puissance gigantesque à facebook.

Le journaliste soulève alors quelques questions : « 150 millions d’individus ont confiés des informations personnelles aux serveurs de facebook. A quoi peut bien servir une telle base de données ? Y a-t-il un risque pour notre liberté ? Facebook peut-il devenir big brother ? ».

Aux USA, facebook est une entreprise qui emploie 700 salariés. Alors que l’accès au site de facebook est gratuit, ses coûts de fonctionnement sont énormes (1 million de dollars d’électricité par mois, 500'000 dollars pour la connexion internet, 700 salariés, etc.). Et des entreprises comme Microsoft y investissent de l’argent.

Comment facebook fait pour gagner de l’argent ? Mark Zuckerberg, directeur de facebook : « en tant que société privée, nous ne communiquons pas sur ce genre de sujet, mais nous sommes très heureux de ce que nous faisons et de notre succès. Notre succès, nous le voyons dans la façon dont les gens utilisent et adoptent facebook. Notre plus grosse joie, c’est que nous avons dépassé, cette année, les 100 millions d’utilisateurs et ça continue d’augmenter ».

Et comment le jeune boss va assurer l’avenir de facebook ? Selon le reportage, c’est là qu’on en revient à l’exploitation de notre vie privée, car depuis ses débuts, l’entreprise collecte des données très précises sur la vie de ses 150 millions d’utilisateurs, et selon Georges Kitner, journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies, c’est cela le « trésor de guerre de facebook », comme il l’explique lui-même : « facebook connaît ma date de naissance, sait qui est ma femme, ils savent que j’aime le VTT, connaissent les films que j’ai vus et les livres que j’ai lus, et cela constitue un portrait très précis de moi et de ce que je consomme. Et ces données ont une valeur inestimable pour un publicitaire. Parce qu’à partir de là, il a une idée très précise de qui je suis et de ce que je veux faire ».

Le reportage continue par un exemple. Si j’adhère à un groupe sur les recettes de cuisine, je serai une cible toute trouvée pour les fabricants de robot-mixeur. Il enchaîne en expliquant que facebook offre aux marques des fichiers d’une précision chirurgicale, et qu’elle compte bien les exploiter de façon encore plus efficace pour une publicité toujours plus ciblée.

Et Georges Kitner de conclure : “Quand Facebook aura trouvé la bonne formule, ils vont devenir l’une des sociétés les plus puissantes et les plus riches que le monde n’ait jamais connu ».

La question suivante et de savoir s’il y a un danger à ce qu’une société privée constitue une telle base de données planétaire. En Californie, université de Stanford, le professeur BJ Fogg enseigne à ses étudiants la façon dont facebook s’approprie notre vie privée. Il étudie la puissance du réseau social de facebook et l’admire, mais il craint aussi son côté obscur. « ils savent qui sont mes amis, comment je communique avec eux, où je vis et ils pourraient vendre ces informations à n’importe qui.  Pour moi, c’est ça la face cachée ». « A qui par exemple ? » « ils pourraient les vendre à la police, ils pourraient les vendre à un autre gouvernement, à mon propre gouvernement, à une religion qui veut me recruter, à n’importe qui, des industriels, ça peut arriver, je ne pense pas qu’ils le feront, mais c’est ça le côté obsur de facebook ».

Le journaliste rappelle que facebook, avec ses 150 millions de vies stockées dans ses serveurs, a constitué en quelques années un fichier unique au monde, une base de données qu’aucun gouvernement au monde n’a jamais pu produire.

D’où la question suivante à Chris Kelly, responsable des questions de vie privée chez facebook : « La CIA ou les services secrets du monde entier, est-ce qu’ils rêvent d’avoir votre base de données ? »

« Je suis sûr qu’ils en rêvent, sauf qu’ils n’ont pas accès à nos fichiers en dehors de procédures légales et très précises. Dès le départ, dans les lois de protection de la vie privée, aux Etats-Unis, il y a la possibilité, si vous êtes sur une base de données comme celle de facebook, qu’un représentant de la loi ou un officiel du gouvernement puisse avoir accès à nos serveurs, mais il y a des règles et à facebook, nous exigeons du gouvernement qu’il respecte ces règles. S’il ne le fait pas, il n’a pas accès à nos serveurs.

Ce point est conclu par une petite phrase qui fait réfléchir : « même dans un état de droit, les dérives sont possibles ».

Le reportage enchaîne ensuite sur l’élection de Barack Obama et sur le fait qu’il a remporté son élection en partie grâce à facebook, plus particulièrement « le porte à porte virtuel » sur facebook, puis sur la page facebook de Nicolas Sarkozy, avant de conclure avec éloge à celui « qui est écouté comme le nouveau messie (…) gamin en basket qui a changé le monde » à savoir Mark Zuckerberg …

En guise de conclusion, je trouve que ce reportage soulève 2 ou 3 choses qui font réfléchir :

Tout ce qui se trouve sur internet fait partie du domaine public, nous n’avons pas vraiment de contrôle sur la manière dont peuvent être utilisées les informations que l’on donne ou qui sont données par d’autres sur nous ;

Les données – très précises - stockées par facebook ont une valeur inestimable pour les publicitaires, ce qui peut certainement expliquer le succès financier de cette entreprise ;

Autour de la sécurité de la vie privée, on constate que facebook a beaucoup d’informations sur beaucoup de monde, une base de données unique au monde que beaucoup rêveraient d’avoir. Facebook a donc une responsabilité et un pouvoir conséquents ;

Si aujourd’hui facebook semble traiter toutes ces données dans le respect des lois de protection sur la vie privée, il est relevé, à juste titre, que même dans un Etat de droit, les dérives sont possibles …

Donc au final des informations autour de la sécurité des données plutôt inquiétantes, bien que peu vérifiables, qui à mon avis devraient nous amener à une certaine prudence, ainsi qu’à un peu de retenue dans notre utilisation de facebook.

A bon entendeur, salut …